Joy Rivault - Matrimoine Antiquité - Valorisation du Matrimoine Histoire et Archéologie de l’Antiquité
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Lumière sur les femmes

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À travers des anecdotes historiques, des portraits de personnages emblématiques et des épisodes mythologiques, je vous propose de suivre les destins de femmes, d’héroïnes de la mythologie et de déesses tout en leur redonnant la place qu’elles méritent dans l’histoire et dans les mythes.

Le stéréotype de la sorcière d’hier à aujourd’hui

Pop culture, Sorcières

Toi aussi tu revendiques haut et fort que tu es une sorcière ? Tu pratiques des rituels de sorcellerie ou la Wicca chez toi ? Quoi de plus normal ! Les nouvelles sorcières inondent les réseaux sociaux en partageant leurs pratiques quotidiennes et leurs rituels de jours de fêtes inspirés de calendriers païens. Si la sorcière est perçue aujourd’hui comme une femme indépendante et inspirante, ça n’a pas toujours été le cas. Je te propose de revenir sur l’image que renvoie la sorcière à travers les époques. De l’Europe médiévale à la culture populaire contemporaine, la sorcière incarne une figure complexe, souvent associée à la transgression des normes sociales et à une indépendance féminine qui dérange. Comment cette image a-t-elle évolué au fil du temps et que révèle-t-elle sur la perception des femmes dans nos sociétés ? Allez, pause ton chaudron et suis-moi, je te raconte l’histoire…. 

Illustration par @Anetteprs

D’où vient la sorcière ? 

Une créature médiévale

 

L’origine du stéréotype de la sorcière remonte au Moyen Âge, période durant laquelle la croyance en la sorcellerie était répandue en Europe. Dans l’imaginaire collectif, la sorcière, c’est la femme qui sort du rang, celle qui ne répond pas aux attentes sociales. À cette époque, elle était souvent représentée comme une vieille femme laide, vivant en marge de la société, accusée de pactiser avec le diable pour obtenir des pouvoirs surnaturels. Parmi elles, il y avait des femmes veuves (d’où le stéréotype de la vieille sorcière aigrie et solitaire), célibataires ou qui revendiquaient une volonté de s’émanciper de la domination masculine. Elles pouvaient détenir des savoirs ancestraux de guérisseuses (elles étaient souvent sages-femmes et maîtrisaient les pouvoirs des plantes). Mais il faut bien comprendre aussi que beaucoup de femmes accusées de sorcellerie ne correspondaient même pas à ces stéréotypes et étaient simplement des victimes de querelles de voisinages, la plupart issues des classes les plus pauvres. Les sorcières pouvaient être accusées de tout et n’importe quoi : sécheresse, maladies, morts subites… La pratique de la sorcellerie était devenue l’accusation la plus répandue pour un mari voulant se débarrasser d’une femme trop rebelle ou pour voisin intéressé par les terres du couple d’à côté par exemple. La condamnation était sans appel, après des semaines de tortures, elle finissait toujours par la mort (avec un goût assez prononcé pour le bûcher, il faut le dire). Les dénonciations étaient si courantes que toutes les femmes et leur famille vivaient dans la peur constante d’une accusation. On entend ainsi souvent parler d' »hystérie collective » pour qualifier la période des grandes chasses aux sorcières. Quoi de plus efficace pour que les femmes restent bien sagement à leur place et sous le contrôle des hommes ?!

L’Inquisition et les chasses aux sorcières ont culminé entre le XVe et le XVIIe siècle, donc à la Renaissance et non pas au Moyen Âge, comme le à tendance à le croire. Elles ont souvent ciblé des femmes, plutôt pauvres et victimes de diverses querelles dans un contexte de tensions sociales. L’image de la sorcière comme symbole de la transgression des normes et de menace contre l’ordre patriarcal dominant est en fait une réappropriation féministe récente. Ce portrait caricatural de la sorcière est donc à la fois le fruit de la fusion entre des peurs religieuses, des superstitions populaires et des dynamiques sociales aux époques médiévales et modernes mais aussi d’une réinvention féministe contemporaine.

Une figure féminine de fiction 

Une femme malfaisante

Et puis, avec l’avènement des Lumières et la chute des procès en sorcellerie, la sorcière est devenue un personnage de fiction. Elle a commencé à apparaître dans les contes, souvent comme la méchante vieille dame avec des pouvoirs terrifiants, mais parfois aussi comme la femme mystérieuse, un peu en marge, qui connaît des secrets que personne d’autre ne connaît. Elle devient une figure ambiguë : une vieille femme dangereuse qui peut à la fois guérir et maudire, enseigner ou détruire.

L’archétype de la mauvaise sorcière apparaît sous les traits de la fée Carabosse. C’est un personnage de La Princesse printanière, conte publié par Marie-Catherine d’Aulnoy, dans le deuxième tome de ses Contes des fées parus en 1697. On retrouve ensuite cet archétype dans les contes des frères Grimm, dans Blanche-Neige et Hansel et Gretel. Dans ces histoires, la sorcière est toujours dépeinte comme étant diabolique. Quand elle apparaît dans un rôle de protectrice et de guide, elle est alors plutôt qualifiée de fée marraine ou de magicienne, comme dans La Belle au bois dormant, Cendrillon ou encore Peau d’âne de Charles Perrault par exemple. 

Les sorcières de Disney dans Maléfique et Blanche-Neige

L’image de la sorcière a heureusement évolué dans les dessins animés et les séries contemporaines. Les sorcières ne sont plus simplement des personnages secondaires et malfaisants. Elles peuvent désormais jouer un rôle central dans l’intrigue. On suit ainsi avec plaisir le quotidien de Sabrina, l’apprentie sorcières (1996-2003), de ses deux tantes un peu loufoques et de son chat (ou familier) noir, Salem, qui n’a pas la langue dans sa poche ! La jeune fille, mi sorcière, mi humaine, apprend à traverser les épreuves de l’adolescence et se retrouve partagée entre ces deux mondes. Elle essaie de trouver un équilibre entre ces deux réalités qui s’opposent. Sabrina est une héroïne drôle et attachante, maladroite, comme toutes les adolescentes mais surtout inspirante. Une version plus moderne, Les nouvelles aventures de Sabrina (2018-2020), est aussi disponible. Cette série propose une vision plus féministe mais aussi plus sombre du monde de la magie et des pratiques de la sorcellerie. Le personnage de Sabrina est ici plus courageux et plus complexe que dans la première version. 

Mais c’est avec la série Charmed (1998-2006) que les sorcières incarnent véritablement à l’écran des femmes indépendantes et puissantes. Les trois sœurs évoluent et apprennent ensemble à maîtriser leur pouvoir pour lutter contre les forces du mal. Les hommes occupent un rôle secondaire dans la série et leurs pouvoirs arrivent rarement à la cheville des sœurs Halliwell. 

Les sœurs Halliwell dans Charmed

Bonnie Bennett, the Vampire Diaries

Les séries d’aujourd’hui essaient aussi de mettre en avant plus de diversité parmi les personnages de sorcières et de briser les stéréotypes classiques pour offrir des représentations plus inclusives. Bonnie Bennett dans The Vampire Diaries (2009-2017) en est un exemple. Sorcière afro-américaine, elle casse les conventions en étant l’un des personnages les plus puissants de la série, mais aussi en jouant un rôle clé dans la lutte contre les forces du mal. Son personnage permet d’explorer la perte, le sacrifice et la loyauté, tout en mettant en lumière la richesse de la culture de la magie.

La dualité assignée au personnage de la sorcière continue d’alimenter l’imaginaire collectif. Elle incarne l’idée que le pouvoir féminin, quand il échappe à la sphère domestique et aux rôles traditionnels, est potentiellement dévastateur. Elle est, dans de nombreux cas, la projection de la peur de l’émancipation féminine.

La réappropriation féministe du stéréotype de la sorcière

Une nouvelle icône féministe

Avec le mouvement féministe des années 1960 et 1970, la sorcière devient un symbole de résistance et de pouvoir. Les féministes de la deuxième vague se réapproprient l’image de la sorcière comme figure de la femme indépendante, forte et sage, en opposition aux représentations patriarcales qui en faisaient une menace. Elles remettent en avant des savoirs et compétences attribuées aux sorcières historiques, parfois à tort. Si certaines femmes accusées de sorcellerie étaient bien des guérisseuses et des sages-femmes et que leur savoir représentait un pouvoir qui échappaient aux hommes, bien d’autres femmes ont été condamnées alors qu’elles ne semblaient pas détenir de tels savoirs.

Cette réappropriation et valorisation se poursuivent aujourd’hui dans la culture populaire. La sorcière est désormais une figure de diversité et de puissance. Des séries télévisées comme CharmedBuffy contre les vampires, et plus récemment Les Nouvelles Aventures de Sabrina, mettent en scène des sorcières modernes qui sont à la fois vulnérables et puissantes, bonnes et mauvaises. Ces représentations témoignent de l’évolution de la perception des femmes : si elles suscitèrent la peur et le désir (refoulé) des hommes pendant longtemps, elles sont aujourd’hui un symbole de pouvoir et d’indépendance. 

On fait le point : la figure de la sorcière est passée d’un symbole de peur et de répression à une icône de force et d’indépendance. C’est un exemple parfait de la façon dont les stéréotypes peuvent être détournés, réinventés et utilisés pour redéfinir ce que signifie être une femme forte et libre. Donc, la prochaine fois que quelqu’un traite une femme de « sorcière », dites-lui merci pour le compliment ! 

« Nous sommes les petites-filles des sorcières que vous n’avez pas pu brûler ! » 

Image de présentation : llustration par @Anetteprs.